GROTTES DES MOUFLONS ET DES OURS À CONSTANTINE

Un patrimoine vandalisé et les autorités observent le silence

Pour ceux qui militent pour la sauvegarde de ces lieux, il est temps que l’Etat intervienne vigoureusement pour faire appliquer et respecter la loi.

Ce qui se passe actuellement dans les grottes historiques des Mouflons et des Ours à Constantine est inqualifiable. Des activistes dans le domaine de la spéléologie et de l’exploration de ces lieux célèbres situés sur le site de l’ancien bidonville de Fedj Errih près de la cité Emir Abdelkader (ex-Faubourg Lamy) ont tiré la sonnette d’alarme depuis des années, mais aucune réaction n’a été constatée du côté des autorités, qui continuent d’observer un étrange silence. «Il y a quelques mois, j’ai été contacté par voie de Messenger par une guide touristique qui accompagnait un groupe de touristes dans ce site, et elle m’a décrit des choses incroyables qu’elle a vues à la grotte des Mouflons, transformée en un lieu pour des actes de sorcellerie, mais aussi des actes de vandalisme; ce que j’ai pu confirmer lors d’une virée sur les lieux ou l’état de la grotte des Mouflons s’est dégradé encore plus; alors que des fouilles illégales sont toujours menées dans la grotte des Ours par des inconnus dont on ignore les raisons de leur intervention et qu’on peut constater facilement les traces en visitant le site», nous a révélé Chaouki Djeghim, spéléologue et explorateur de grottes ancien président d’honneur de l’association aventure et activités de montagne de Constantine. Ce n’est pas la première fois que ces grottes subissent des actes de vandalisme et de destruction que nous n’avions cessé de signaler dans El Watan depuis 2014, mais les autorités sont restées insensibles. Le cas de la grotte des Ours est révélateur du laisser-aller inqualifiable puisque le site avait même été transformé en étable. Un fait que nous avions relaté à l’époque, mais qui n’a suscité aucune réaction de la part des autorités de la ville. Il semble que ces dernières ne prêtent aucune attention aux vestiges naturels et historiques du Vieux Rocher, dont le patrimoine subit toutes sortes de bradages.

DES MERVEILLES À PROTÉGER

Ainsi, la Grotte des Ours avait connu des actes de vandalisme rapportés par le club de spéléologie de Constantine, dont les images se passent de tout commentaire. Actuellement, la grotte avait été complètement souillée, avec des tas d’ordures et de détritus jonchant les lieux. La nuit, le lieu devient une beuverie. Une situation qui renseigne sur le peu de considération affiché pour des lieux qui attiraient autrefois de nombreux touristes, mais cela fait désormais partie de l’histoire. A propos d’histoire, la Grotte des Ours, située dans le rocher de Sidi M’cid, surplombant la voie ferrée menant vers Skikda, parallèlement à la route de la Corniche, est classée parmi les merveilles naturelles de la ville du Vieux Rocher. Le site avait fait l’objet de recherches et de fouilles, effectuées durant l’époque coloniale et dont les résultats avaient été publiés dans la célèbre Revue africaine. On avait établi à l’époque que la grotte avait été habitée par l’homme du Neandertal qui vivait dans la région vers 45000 avant J-C. Pour rappel, cette grotte figurait sur le parcours du chemin tracé par les guides montagnards durant l’époque coloniale, où plusieurs sites naturels de l’époque préhistorique étaient visités par de nombreux touristes étrangers, Une activité qui s’est poursuivie même après l’indépendance et qui cessera pendant la décennie du terrorisme. «Le rocher de Constantine comporte un nombre de grottes importantes, et je ne pense pas qu’elles demeurent inconnues du grand public. Tout le monde connaît l’histoire de Constantine et a une petite idée sur ces grottes. Ce qu’on ignore, c’est leur position géographique, car après la fin des recherches archéologiques menées par les Français durant l’époque coloniale, ces lieux ont été complètement oubliés par les chercheurs ainsi que par les autorités. D’ailleurs, il forait mieux que les gens ne connaissent pas ces lieux, car quand je vois, à travers les réseaux sociaux, la frénésie de certains à vouloir les visiter, il y a des risques aussi que ces grottes subissent encore des dégâts, alors qu’elles sont déjà à l’abandon», a révélé Chaouki Djeghim. «Je ne comprends pas les raisons du silence des autorités qui encourage ce genre de vandalisme», dénonce Chaouki Djeghim, qui affirme avoir alerté les autorités, y compris les anciens walis, par le biais de son association, et à plusieurs occasions, sur les risques qui menacent ces lieux mal fréquentés, non protégés, et envahis par des bandes de délinquants. Pourtant, les responsables de la wilaya auraient pu profiter de la richesse de ces sites pour les réhabiliter, afin de les faire connaître aux étrangers qui viennent visiter la ville. Mais il semble que ces mêmes responsables ignorent tous des richesses de l’antique Cirta. « A mon avis, je dirais qu’il faut que les hautes instances de la ville de Constantine fassent pression sur le musée, ainsi que les services de protection des sites archéologiques de Constantine et les associations activant dans ce domaine pour qu’ils bougent. Il faut d’abord mettre en place un plan d’urgence pour sauver et protéger ce qui reste. Il faudra aussi charger une équipe d’archéologues pour continuer les fouilles dans certains lieux qui n’ont pas été mis à jour jusqu’à présent. Les autorités ont le devoir aussi de nettoyer et d’entretenir les sites qui ont atteint un degré de dégradation important, et les protéger contre tous les actes de vandalisme. Et pourquoi ne pas les transformer en sites d’histoire naturelle que les gens peuvent visiter comme certains pays l’on fait pour leurs grottes», précise notre interlocuteur.

DES SITES HISTORIQUES

Pour rappel, la Grotte des Mouflons, appelée aussi Kahf Edhlam (la caverne obscure) est encore à l’état brut, non entretenue ni aménagée pour des visites touristiques. La présence humaine se fait remarquer. Des gens viennent y passer la nuit. Les traces de feux allumés sont visibles, mais aussi des graffitis. «Les feux allumés ici ont causé des dégâts à la paroi de la grotte ; la forte chaleur et le froid ont fait éclater la roche de l’intérieur», explique Chaouki Djeghim. On imagine déjà la vie du premier homme qui habitait les lieux

45 000 ans avant J-C. «La grotte doit son nom aux ossements des mouflons fossilisés qui ont été découverts durant la période coloniale, notamment une tête de mouflon exposée aujourd’hui au Musée national Cirta de Constantine», poursuit-il. A 200 mètres de la Grotte des Mouflons, juste en bas, et dans le même rocher dc Sidi M’Cid, surplombant la voie ferrée menant vers Skikda, parallèlement à la route de la Corniche, se trouve la Grotte des Ours, appelée aussi Ghar Zahar (la grotte qui gronde). C’est le français Arthur Debruge, un commis principal des postes, passionné de préhistoire et membre de la société archéologique de Constantine, qui a exploré le lieu pour la première fois en 1907. Dans ses notes, ce dernier le décrit comme «Une grotte vaste et spacieuse, de plain-pied, ne mesurant pas moins de 60 mètres de longueur et 6 mètres de largeur moyenne avec une hauteur parfois assez considérable. En raison de ses proportions, l ‘ouverture principale, située au nord, a un certain caractère majestueux». Lors des fouilles, Debruge avait recueilli des objets en silex remontant à la période néolithique, preuve que l’homme avait habité cette grotte, ainsi que des ossements de plusieurs espèces d’animaux, notamment des ours, d’où son appellation. L’analyse de ces découvertes sera confiée à l’éminent zoologiste et préhistorien Paul Pallary, connu à l’époque comme le «Doyen de la préhistoire de l’Afrique du Nord». Dans ses conclusions, Pallary notera : «L’homme n’a pu habiter que temporairement cet abri qui a dû servir alternativement de repaire à l’ours des cavernes et de demeure à l’homme, a moins encore que l’occupation de la caverne par l’ours soit antérieure à celle de l’homme». Mais tout cela n’aura pas suffi pour que ces lieux bénéficient de plus d’attention. Selon des témoignages de certains riverains, la grotte de l’Ours continue de subir jusqu’à ce jour des visites d’étrangers qui viennent y creuser sans être inquiétés.

S, Arslan

Article paru dans le journal El Watan du 30 septembre 2021

3 commentaires

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