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NOTICE GÉOLOGIQUE ET PALÉONTOLOGIQUE – Spéléo Club Constantine
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NOTICE GÉOLOGIQUE ET PALÉONTOLOGIQUE


Sur LA GROTTE DES PIGEONS (CONSTANTINE)

PAR L. JOLEAUDI. –

I. – Géologie

Le rocher de Constantine est constitué par des calcaires massifs éo- et mésocrétacés ‎(1). Il a l’aspect d’un prisme à base trapézoïdale, dont l’angle N. ou Kef Chekara (644 mètres), couronné par la kasbah, est limité par les imposants escarpements qui dominent de 183 mètres la base des cascades du Rhummel à la sortie des gorges. Sa surface a subi, de la main de l’homme, de profondes modifications : la corniche supérieure des escarpements N. a, de ce fait, perdu l’aspect ruiniforme qu’a conservé le djebel Sidi Mcid (725 mètres), qui se dresse de l’autre côté du canon.

L’origine géologique du rocher de Constantine le révèle comme un témoin resté en surélévation de la retombée S.- E. d’un anticlinal affecté d’une série de rebroussements déterminés par une déviation de l’axe du pli qui lui a donné naissance. Ces rebroussements se sont traduits pal’ des champs de fractures en relation manifeste avec le gauchissement des strates rigides des calcaires: les lignes de rupture sont ainsi constamment groupées en deux systèmes conjugués, dont j’un correspond à l’allongement du pli, c’est-à-dire à la direction des bancs, et l’autre, à leur inclinaison (2). Le groupe du Kef Chekara comprend des accidents orientés S.-O. N.-E. et d’autres dirigés N.-O. S.-E. De ces derniers; dépend la fracture de laquelle s’échappe la source chaude des moulins Lavie, sur le trajet de laquelle se trouve la grotte dite des Pigeons, dont l’issue principale se montre dans la falaise N. du rocher, sous l’arsenal d’artillerie; son prolongement gagne ensuite la diaclase des gorges ouvertes entre la kasbah et le faubourg

D’El-Kantara.

II. – Paléontologie

La Grotte des Pigeons, fouillée par notre confrère M. Debruge, lui a fourni un certain nombre de restes de Mammifères dont il a bien voulu me demander la détermination. J’y ai reconnu :

Le Dauw (Equus Burchelli Granti Wirton) ;

Le Sanglier (Sus scrofa L.);

La Gazelle de Montagne (Gazella Cuvieri Ogilby);

La Chèvre (Capra hircus a/ricana Sanson);

Le Mouflon à manchettes (Ammotragus lervia Pail.);

Le petit Bœuf (Bos taurus ibericu» Sanson) ;

Le Buffle antique (Buffelus antiquus Duv.).

a) Le Dauw

Le Dauw est représenté par un fragment de maxillaire supérieure portant les six incisives et une portion de mandibule droite avec cinq molaires (p2 à m2).

Chacune de ces molaires est limitée par une muraille externe franchement sinueuse dessinant deux convexités inégalement développées correspondant aux deux denticules et une concavité intermédiaire bien marquée; les denticules eux-mêmes ont un contour plutôt arrondi; enfin, les boucles internes sont largement dilatées. Par tous ces caractères le Dauw de Constantine s’écarte de l’Equus caballus L. et confine au Dauw actuel (E. Burchelli Gray) à l’Equidé chelléen du lac Karar (Tlemcen) (3) et à l’E. mauritanicus Pomel (4) du Chelléen de Palikao (Mascara) (5).

Cependant les dents du Dauw de la Grotte des Pigeons diffèrent des formes quaternaires déjà décrites d’Algérie par leur taille relativement petite, par l’épaisseur remarquable du cément et surtout par la forme presque carrée des molaires inférieures; dans la plupart des Solipèdes, ces dernières sont, au contraire, étroitement allongées, comme le montre le tableau suivant:

Par la largeur relative et par l’épaisseur du cément de la zone périphérique de ses molaires inférieures, le Dauw de Constantine se rapproche beaucoup de l’E. Rurchelli Granti  Virton, qui vit aujourd’hui dans l’Afrique orientale, entre les lacs Rodolphe et Stéphanie et le mont Kenia. J’ai pu examiner en détail la dentition de cette variété sur une tête faisant partie des collections ostéologiques du Musée de Marseille; ce sont ses dimensions que j’ai fait figurer dans le tableau comparatif ci-après:

L’Equidé de Constantine qui> comme l’E. B. Granli du Musée de Marseille, était, d’après le degré d’usure de ses incisives, âgé de six ans environ, c’est-à-dire avait acquis son complet développement, était sensiblement plus grand que le Dauw du lac Rodolphe.

Il est curieux de constater que E. B. Granti est précisément la variété de Dauw dont l’habitat est le moins éloigné de la Berbérie.

Le Dauw semble avoir habité les environs de Constantine, comme aussi la région de Guelma, dès le Pliocène inférieur; M. Boule l’a reconnu, en effet, parmi les ossements recueillis par P. Thomas dans les travertins d’El Hadj Baba et de Millésimo. Il y vivait encore au Pléistocène, comme l’indique sa présence dans les alluvions de l’Oued-Seguin, dans le remplissage des grottes des Ours, du Mouflon (Constantine) et du djebel Taya.

b) Le Sanglier

M. Debruge m’a adressé un fragment de mandibule gauche de Sanglier (Sus scrofa L.), où m1 et m2 sont complètement sorties de l’alvéole, tandis que m 3 y est encore incluses.

c) La Gazelle de montagne

La Grotte des Pigeons a fourni un noyau osseux de corne et une molaire de la Gazelle de montagne (Gazella Cuoieri Ogilby).

Cette espèce est représentée dans les dépôts pliocènes supérieurs ~ Villafranchien) de Constantine par une variété de grande taille (G. setifensis Pom.). Elle est connue également de toutes les stations pléistocènes de la région.

d) La Chèvre

De nombreuses mandibules trouvées dans la Grotte des Pigeons proviennent de Chèvres ou de Moutons, sans qu’il soit possible d’en préciser plus exactement la détermination.

Par contre, un noyau osseux de corne droite peut, d’une façon sûre, être attribué à une Chèvre, car il est très comprimé latéralement et présente un bord antérieur tranchant, au lieu d’un bord épais et arrondi, comme dans les Moutons (6). Il indique des cornes relativement courtes, fortement couchées en arrière, divergentes dès la base, plus convexes en dehors qu’en dedans, un peu tordues sur elles-mêmes, mais non contournées en spirale; tous ces caractères, qui sont ceux sur lesquels Pomel (7) a fondé son Ovis promaza de la Grotte du grand Rocher (Alger), se retrouvent dans la majorité des Chèvres du Tell algérien (Capra hircus airicana Sanson, race kabyle).

En outre, divers fragments d’un crâne trouvé dans la Grotte des Pigeons proviennent certainement aussi d’une Chèvre, mais d’une chèvre sans cornes; toutefois, l’emplacement où’ ces appendices auraient dû se développer est nettement indiqué par une saillie osseuse bien marquée de la paroi crânienne. La suture pariéto-frontale y est directement transversale, comme chez toutes les Chèvres, au lieu de former un angle médian à sommet antérieur, comme dans les Moutons.

Aujourd’hui encore les Chèvres sans cornes sont communes en Algérie. Généralement elles seraient de taille un peu plus grande que celles pourvues de cornes. Aussi a-t-on l’habitude de les considérer comme une sous-race spéciale, dite sous-race arabe. En réalité, comme le montre la faune ancienne de la Grotte des Pigeons, Chèvres sans cornes et Chèvres à cornes sont également indigènes dans le pays et ne semblent nullement justifier la distinction des deux sous-races kabyle et arabe.

e) Le Mouflon à manchettes

Je possède, de la Grotte des Pigeons, un noyau osseux de corne gauche de Mouflon à manchettes (Ammotragus leroia Pal.), qui, par ses dimensions, rappelle tout à fait celui figuré par Pomel (8) comme provenant des fentes rocheuses  du Mansoura et ayant appartenu à une femelle; celui représenté dans la même monographie (9) comme trouvé dans une fente du rocher de Sidi-Mcid , derrière l’hôpital civil, indiquerait un mâle: le diamètre des cornes y est à peu près deux fois plus fort que dans les femelles de la Grotte des Pigeons et du Mansoura .

Le Mouflon à manchettes paraît avoir été, dès le Pliocène supérieur (Villafranchien), particulièrement abondant aux environs de Constantine, car j’en ai recueilli de nombreuses chevilles osseuses de cornes plus ou moins brisées dans la sablière à l’E. du quartier de cavalerie. Connu depuis fort longtemps du remplissage postpliocëne des fissures du rocher de Constantine (10), Ammotragus leroia était encore très fréquent dans notre région au Pléistocène, comme le montrent les découvertes récentes de M. Debruge dans les Grottes des Ours et du Mouflon, et celles faites jadis par le général Faidherbe au Djebel-Taya.

f) Le petit Bœuf

Le petit Bœuf (Bos taurus ibericus Sanson) est représenté par un fragment de maxillaire gauche, quatre tronçons de mandibules et quelques dents isolées.

Comme un certain nombre d’autres formes du Pléistocène algérien, Hippopotamus amphibus, Gazella dorees, G, Cuoieri, Uryx leucorux, Alcephalus bubalie, Ammotraqus leroia , Buffelus antiquus, je l’ai trouvé précédemment dans le Pliocène supérieur (Villafran chien) de Constantine: je possède, en effet, de la sablière du Mansoura, un noyau osseux dont les dimensions (diamètre de base: 8 centimètres) sont à peine différentes de celles que l’on observe chez le petit Bœuf quaternaire (diamètre de base d’une cheville osseuse de l’Oued-Seguin: 7 centimètres).

g) Le Buffle antique

Parmi les ossements recueillis par M. Debruge, figurent une tête inférieure de fémur et une première phalange postérieure tout à fait comparable à celles du Buffle antique (Buffelus antiquus Duv.) décrit par Pomel (11). Je rapporte, en outre, à cette espèce, une phalange onguéale antérieure remarquablement massive qui apporte une contribution nouvelle à notre connaissance de l’ostéologie de ce Bovidé: ses phalanges unguéales antérieures, pas plus d’ailleurs que celles du Bos primigenius mauritanicus P. Thom. (B. opisthonomus Pom.), n’étaient connues jusqu’à ce jour, Aussi pensai-je qu’il peut être intéressant d’en indiquer les dimensions comparativement avec celles des phalanges onguéales du Buffelus antiquus de Djelfa et du Bos primigenius mauritanicus d’Aboukir. Je donne dans le même tableau les mesures que j’ai relevées sur la tête inférieure du fémur et sur la première phalange postérieure du Buffle de Constantine.

Le Buffle de Constantine apparaît comme ayant eu une taille dépassant de 1/10e celui de Djelfa : il devait donc avoir au garrot plus de 2 mètres de hauteur. .

P. Thomas (12) a recueilli dans le Pliocène supérieur d’Aïn-Jourdel (entre le fedj Alla ou Akbar et l’oued Iacoub, au S. de Constantine), un tibia qu’il a rapporté au Buffelus antiquus : sa longueur (472 millimètres) excède également de 1/10- celle du tibia du B. antiquus de Djelfa (430 millimètres).

B. antiquus a déjà été trouvé dans plusieurs gisements pléistocènes des environs de Constantine, notamment à Aïn-Smara et à l’Oued-Séguin.

J’ai déjà insisté ailleurs (13) sur ce fait que B. antiquus doit être considéré comme l’une des formes les plus caractéristiques du Pléistocène ancien et moyen de la Berbérie. La présence d’un Dauw dans les dépôts de la Grotte des Pigeons confirme l’attribution de la faune qui y a été rencontrée aux phases du début ou du milieu du Paléolithique. L’existence de la Chèvre africaine à cette époque, bien qu’elle soit un fait nouveau, n’a rien de surprenant : depuis longtemps, d’ailleurs, Pomel avait fait connaître le Mouton africain (Ovis aries africana Sanson) de la station chelléenne de Palikao.

Je tiens, en terminant cette courte note, à remercier M. Debruge pour sa gracieuse communication, ainsi que MM. les Professeurs Vayssière et Repelin, qui ont bien voulu me faciliter mes études comparatives avec les collections ostéologiques du Museum d’ Histoire naturelle de Marseille.

L. JOLEAUD.


  1. Franco, 4, XIV, 1914, p. 439.
  2. L. Joleaud, Etude géologique de la chaîne numidique et des monts  Constantine (Algérie). Thèse Fac, Sc.,     Paris, 1912, p. 377-381, pl. VI (Carte géolog. des environs de Constantine au 1/20,000′).
  3. Boule, Bull. Soc. Géol. France, 3, XVII, 1899, p. 535-536, fig. 12-14.
  4. Les Equidés (Carte Géol. Algérie, 1897), p. 21, pl. III, fig. 8-13.
  5. On ne peut confondre l’Equidé de Constantine avec l’Ane (E. asinus L.) : dans ce dernier, en effet, le talon des molaires inférieures est très développé, alors qu’il n’est que rudimentaire dans la forme que j’étudie.
  6. Cornevin et Lesbre, Bull. Soc. Anthrop., Lyon, 1891, p. 27.
  7. Les Ovidés (Carte Géol. Algérie, 1898), p. 27.
  8. Les Ovidés, pl. IV, fig. 5; pl. V, fig. 1.
  9. Les Ovidés, pl. l, 111.
  10. Jourdan, Bull. Soc. Agric., Sc. et Arts, Lyon, 1872.
  11. Buffelus antiquus (Carte GéoI. Algérie, 1893).
  12. Mém. Soc. Géol. France, 3, III, 2, 1884, p. 17·18.
  13. Joleaud, Thèse, p. 316.

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2 commentaires sur “NOTICE GÉOLOGIQUE ET PALÉONTOLOGIQUE”

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