Quand la trace d’un passage devient une blessure durable
Le 25 mai 2024, lors d’une descente à -154 mètres dans la grotte Ghar El Hadjar, l’équipe du Spéléo Club Constantine a constaté avec regret la présence de plusieurs déchets : deux briques de jus écrasées, un paquet de cigarettes vide et une bouteille d’eau en plastique abandonnée. Ces éléments, bien que modestes en apparence, témoignent d’une pratique qui ne correspond pas aux usages les plus respectueux de notre activité.
Plus préoccupant encore, certaines parois de la cavité portaient des gravures récentes : des noms, initiales et une date correspondant au passage de deux personnes appartenant à une autre association spéléologique active dans la région de Constantine. Ces marques, réalisées directement sur la roche tendre et fragile, laissent malheureusement une trace définitive sur un support qui s’est formé au fil de dizaines de milliers d’années.
Cette partie de la grotte n’est accessible qu’après une progression longue et technique (puits, étroits, zones engagées), ce qui signifie que les personnes qui s’y rendent possèdent nécessairement une expérience significative. C’est précisément pour cette raison que l’on attend d’elles un niveau de conscience et de responsabilité particulièrement élevé.
Il existe, il est vrai, entre nos deux structures des divergences anciennes sur la manière de communiquer et de valoriser les découvertes réalisées dans les cavités constantinoises. Plutôt que de raviver ces tensions, le Spéléo Club Constantine avait choisi de ne pas médiatiser cet épisode, préférant privilégier le dialogue et la préservation d’un climat apaisé au sein de la communauté spéléologique locale. Mais…
Aujourd’hui, nous avons simplement souhaité partager cet exemple – sans nommer quiconque – pour rappeler calmement quelques principes qui nous semblent essentiels et qui concernent l’ensemble des pratiquants :
- – Ne rien laisser derrière soi, même ce qui paraît anodin (les déchets organiques ou plastiques perturbent durablement la faune cavernicole et l’équilibre chimique des vasques et concrétions).
- – Ne jamais marquer la roche, quelle que soit la technique utilisée : toute gravure, même discrète, altère irrémédiablement le patrimoine naturel et prive les générations futures d’un milieu intact.
- – Considérer chaque grotte comme un milieu vivant et extrêmement fragile où chaque geste a des conséquences à très long terme.
La spéléologie algérienne, et particulièrement constantinoise, dispose d’un potentiel exceptionnel. Sa préservation dépend avant tout de la maturité et du sens des responsabilités de celles et ceux qui ont le privilège d’y pénétrer. C’est ensemble, dans un esprit de respect mutuel et de partage des bonnes pratiques, que nous pourrons continuer à explorer, documenter et protéger ces merveilles souterraines pour les décennies à venir.
