
Parmi les projets qui ont façonné mes songes, il en est un qui m’habite encore, tel un parfum d’espérance inachevée. Depuis mes premiers pas dans l’univers du tourisme et des sports de montagne, j’ai voulu offrir à Constantine une part de ce que j’avais vu ailleurs : des sentiers balisés, des cairns guidant les pas, des plaques dressées au sommet comme autant de témoignages gravés dans la pierre du temps.
J’ai contribué à la création d’associations de jeunes, portées par l’élan généreux de la passion. J’y ai mis mon cœur, mon énergie, mon nom. Mais comme souvent, les idéaux se sont brisés sur les récifs des ambitions dévoyées. Les objectifs premiers se sont effacés, remplacés par des dérives qui m’ont conduit à des conflits ouverts, dont les cicatrices demeurent encore visibles dans mes écrits.
Parmi tous mes rêves, un projet s’était imposé : ériger une plaque au sommet du Djebel Cheikh Zouaoui, ce géant immobile de 1316 mètres, gardien silencieux de nos terres et de nos mémoires. L’accord avec un partenaire avait été conclu, les promesses prononcées. Pourtant, le temps, l’attente et les reports successifs ont eu raison de cet engagement. Et c’est notre ami Mounir, avec son enthousiasme et sa détermination, qui nous a devancés en février 2025. Sa réussite fut saluée, avec dignité et respect, sur sa page Cirta Camping Hiking. Mais derrière mes félicitations sincères, une amertume sourde s’était installée. Car ma plaque, prête depuis longtemps, reposait là, sous mes yeux, témoin muet de l’attente et des promesses trahies.
C’est alors que je compris la leçon que toute vie finit par enseigner : il ne faut jamais suspendre nos rêves aux mains d’autrui. Les projets qui naissent dans nos cœurs doivent être portés par nos propres forces, car nul ne peut ressentir leur urgence et leur beauté comme nous-mêmes. Comme dit un proverbe : « Celui qui compte sur l’ombre d’autrui marche déjà dans l’obscurité. »
L’été vint, avec lui le mois d’août, et ses vacances libératrices. J’ai saisi ce moment pour briser le poids du silence. Le 21 août 2025, une randonnée fut organisée, non pas comme les autres, mais comme un pèlerinage vers ce sommet tant rêvé. Depuis la commune de Ben Ziad, nous avons gravi les pentes du versant nord, traversant le vieux village en ruines, autrefois phare de savoir et désormais réduit au silence. Puis nous avons atteint la Soumaa, là où la montagne, nommée Zouaoui par les uns et Chettaba par les autres, déploie toute sa majesté.
À midi, nous avons commencé l’installation de la plaque. À 13h30, elle était en place, fière, immobile, comme pour dire à tous : « Voici la preuve que les rêves ne meurent pas, tant que des mains les portent. » Les jeunes s’en émerveillaient, immortalisant l’instant aux côtés des deux plaques qui désormais se dressaient côte à côte, témoins d’une même passion, d’une même montagne chérie.
Après un repas partagé, nous avons choisi la voie du retour par le village d’El Annab, traversant Ain Terab et la forêt de Nechem, avant de retrouver Constantine. Ce jour-là, en redescendant, j’ai senti s’alléger un fardeau plus lourd que la montagne elle-même. Comme si la pierre, enfin posée, avait fermé une boucle de regrets pour ouvrir un chemin de confiance et d’avenir.
Car Djebel Zouaoui n’appartient pas à celui qui y grave son nom, mais à tous ceux qui l’aiment, qui l’honorent, et qui marchent à sa rencontre. Et peut-être, au fond, c’était cela le véritable projet : que chacun sente que cette montagne lui appartient aussi.