Le ventre marin a enfanté la chambre d’Antinéa
Aux abords de la Grotte Merveilleuse on se bouscule. Des files se forment pour visiter ces entrailles de la terre. Par groupes, les guides du parc national de Taza tentent tant bien que mal, et du matin au soir, d’animer en 15 mn, les visites le long d’un circuit fermé bien éclairé. On est très vite dépaysé par le charme des lieux. Transporté dans un autre univers où tout étonne, on ne cesse – souvent bouche bée – d’embrasser des yeux toutes les directions.
Les multiples formes et couleurs de stalactites, stalagmites, et draperies interpellent à chaque pas. D’énormes piliers stalagmitiques semblent soutenir la voute haute d’une quinzaine de mètres mais qui s’abaisse graduellement jusqu’au fond situé à quelque 40 m de la fin du couloir d’entrée. Les traces d’un ancien lac ayant occupé la salle sont visibles sur la paroi de droite.
La grotte fut découverte en 1917 lors de l’élargissement de la route nationale suite à l’explosion d’une mine et non pas à la faveur d’un marteau piqueur comme on le prétend. Elle n’a ni galerie ni chambres annexes, mais plutôt une seule grande salle à plafond haut. Les concrétions, ces structures minérales l’ont départagées en de nombreux espaces ayant reçu des appellations diverses : la pieuvre, le chapeau chinois, les choux-fleurs, les bouddhas, la chambre d’Antinéa, le temple d’Angkor, la salle des nénuphars, l’oreille d’éléphant, le bigorneau Les agents du parc national préfèrent leur attribuer d’autres images même si c’est indélicat de changer les noms donnés par les premiers explorateurs et scientifiques qui ont dressé les relevés topographiques des lieux.
La Grotte Merveilleuse, qui fut également appelée Ghar Adim est classée comme monument naturel dès 1943. Elle offre non seulement de purs plaisirs pour les yeux mais aussi une occasion en or pour expliquer concrètement, d’une manière vulgarisée, l’histoire et le fonctionnement de ce bout de nature, oh combien fascinant. Même si l’ancien guide Amar et le jeune Abdelhamid ne manquent pas de volonté pour y arriver, ils se limitent généralement, hélas, et à défaut de formation, à des explications fantaisistes.
ARRIVERONS-NOUS À RÉPANDRE LES LUMIÈRES SOU TERRAINES ?
Terrestre qu’elle en a l’air, cette cavité est née d’un ventre marin. Sa formation et son creusement sont semblables à celles qui longent la corniche entre Oued Taza et Oued Agrioun qui se faufile depuis Kharata. À l’origine, tout a commencé par une fissure ouverte par le truchement de la vie rocheuse de Djbel Hamra où se développe la curiosité d’aujourd’hui.
À l’âge pléistocène, il y a un million d’années, ce vide a amorcé un plongeant en mer, suite à un abaissement du socle continental qui le couve. À l’aide de galets, les eaux salées se sont acharnées à élargir cet espace creux qui leur est offert. Des traces de plafond arrondi et de parois polies le démontrent aujourd’hui. Les sondages effectués dans les années 1940 par J. G. Birbent, un mordu de spéléologie qui tentait de faire jonction avec la mer, ont révélé que la partie inférieure de la grotte fut comblée par des blocs. Une coupe de terrain dans la salle d’entrée a mis à jour également, les différentes périodes de la vie et de l’évolution de cette cavité. Quant aux magiques décors de stalactites, draperies et autres concrétions, elles se sont manifestées bien plus tard. Elles sont façonnées patiemment par des gouttes d’eau chargées de calcaire. Les infiltrations externes des eaux de ruissellement des pluies y ont joué un rôle non négligeable. Mais il semble que l’humidité et les condensations des parois sont de loin, les instigateurs les plus importants de ces sculptures. Ainsi, la Grotte Merveilleuse avait une particularité.
Elle était sèche en hiver, même après les fortes chutes de pluie, mais très humide en été. Des formations de brouillard furent même observées tantôt dans sa partie inférieure, tantôt dans sa partie supérieure. Le débit des suintements des stalactites variait également très sensiblement en une journée ! Les eaux de condensation semblent être très pures et jouent un rôle auto nettoyant. La grotte renferme d’autre part, certaines formes de concrétions très particulières, des fantaisies de cristaux qui partent dans des sens opposées à celui de l’apesanteur. Lors de l’hiver 2004, en pleine neige, une sorte de brouillard ou de vapeur s’est dégagée d’une fissure en contact avec la surface externe.
RÉPARER LES TORTS
Dès l’ouverture de l’actuelle entrée, il y a de cela plus de 50 ans, hélas, il y eut un changement total du système de condensation à cause de l’écoulement plus rapide de l’air froid. Une diminution considérable des suintements fut observée par les anciens chercheurs
Cet état de fait ne va pas sans influer sur le monument. L’installation d’instruments de mesure – qui devait se faire dans les années 1950 – afin d’étudier tous ces phénomènes s’avère aujourd’hui nécessaire. Pour réparer quelque peu ces dommages, la mise en place d’une double porte à sas réglable au niveau de la galerie d’entrée est également indispensable. Enfin, pour être respectueux du site et de l’esprit des parcs nationaux, bien d’autres mesures s’imposent. La diminution de la forte charge des visiteurs, qui dépasse pour les mois de juillet et août les milliers de touristes en est une.