Spéléo Club Constantine ARTICLES Djebel Oum Settas, le veilleur oublié

Djebel Oum Settas, le veilleur oublié


Par une chaleur écrasante de ce 18 août 2025, là où l’air méditerranéen se fait sec et tranchant, le Spéléo Club Constantine a repris le fil d’une histoire interrompue depuis près de quarante ans. En 1987, une poignée de spéléologues s’étaient aventurés sur ces pentes. Depuis, le silence. La montagne, elle, avait continué de veiller, témoin de l’oubli des hommes et des bouleversements du monde.

Car beaucoup a changé : les villes se sont étendues, les routes se sont ouvertes, les transports sont devenus rapides. Mais les cicatrices aussi se sont multipliées : carrières béantes, pollution rampante, décharge au pied d’un paysage qui fut jadis verdoyant.

À l’aube, nous avons quitté Constantine. Trois escales avant de fouler la terre d’Ibn Badis, autrefois El Haria, dont les pierres portent encore la mémoire de l’époque romaine et des métamorphoses administratives de l’histoire. De là, le chemin s’est engagé vers le sud-est, vers une sentinelle rocheuse : le Djebel Oum Settas,

1 291 mètres d’altitude.

La montée nous a conduit au cœur d’un Atlas tellien où les chênes verts serrent la montagne comme des gardiens. Sous nos pas, un sol calcaire craquait, privé de sources, rappelant que nous marchions sur un désert minéral. Mais chaque détour révélait un secret : les vestiges antiques de Castallum Fabatianum, les ruines d’un pressoir à huile, une voûte romaine canalisant jadis l’eau pour irriguer les vergers. Ici, les Romains cultivaient l’olivier ; là, les Moudjahidines trouvaient refuge sur une voie antique, ombre parmi les ruines.

Le col de Hot Abbesse nous a offert une halte parfumée de miel, grâce à ses ruches d’apiculteurs. Puis vint l’ascension ultime. Étroit, sinueux, le sentier serpentait jusqu’au sommet, où un spectacle grandiose s’est ouvert. À perte de vue, les cités se dessinaient comme un damier moderne : El Khroub, Ali Mendjeli, Aïn Abid. À l’horizon, la crête de Kef Saleh se dressaient comme un rempart.

Mais l’émerveillement fut vite traversé d’amertume. Versant nord, l’horizon respirait encore. Versant sud, il s’étouffait : carrières dévorant les collines, Djebel Walid El Hade sacrifié aux appétits industriels, vallées asséchées. Même les grottes troglodytiques, témoins millénaires, semblaient nous regarder avec effroi, comme des yeux surpris de voir les hommes profaner leur mémoire.

Nous avons poursuivi, déterminés à transformer ce circuit en traversée. La descente nous mena jusqu’à la cité du 5 Juillet, surgie du sol comme une excroissance urbaine, sans arbres, sans âme, semblable aux villages abandonnés des westerns. De là, Aïn Abid nous ouvrait la voie du retour.

Aïn Abid, terre aux strates d’histoire, ottomane, française, puis enfin libre en 1962. Ce fut là notre point final.

Ainsi s’est terminer le trajet, non pas d’une simple randonnée, mais d’une reconquête. Reconquête de la mémoire, de la beauté perdue, et d’une nature qui résiste encore, malgré les outrages des hommes. Oum Settas demeure : montagne de pierre et de légendes, vigie oubliée que nous avons réveillée, ne serait-ce qu’un instant, par nos pas.

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